En se lançant dans la conception et la production de ses propres tablettes, Microsoft franchissait un Rubicon : d'éditeur de logiciels, le créateur de Windows devenait également constructeur. Il y a bien eu quelques tentatives par le passé (baladeurs Zune, smartphones Kin), mais toutes se sont soldées par des échecs retentissants, la console Xbox restant elle un cas un peu à part avec son marché bien spécifique. Malheureusement pour Redmond, la gamme Surface ne rencontre pas le succès escompté malgré la (relative) bonne réception critique de la Surface Pro 3.
Microsoft donne peu de précisions sur les performances de Surface en matière de ventes. Et pour cause : le constructeur perd beaucoup d'argent. Computerworld a établi, en fouillant dans les documents financiers de l'entreprise, que les pertes liées à cette activité se montaient à 1,7 milliard de dollars depuis le lancement de la première Surface, en 2012. Au deuxième trimestre 2014, les revenus tirés de la commercialisation des tablettes ont été de 409 millions de dollars, mais les coûts liés à l'exploitation de cette gamme se situent entre 733 et 772 millions. Une perte sèche de plus de 300 millions donc, soit la plus importante de tous les trimestres de l'histoire du produit. L'an dernier, Microsoft avait officiellement annoncé que l'activité Surface lui avait fait perdre 900 millions de dollars.
L'arrivée de Satya Nadella à la tête de Microsoft, ainsi que son ambition de faire de l'entreprise un hub de services et de gestion des données dans le nuage, pourrait bien remettre en question la stratégie de son prédécesseur Steve Ballmer, qui avait misé sur l'intégration du logiciel et du matériel (lire : Microsoft : les services d’abord, le mobile d’abord, et puis tout le reste en prime)… Et si Redmond a avalé la branche mobile de Nokia, c'est pour en supprimer presque immédiatement une bonne partie des effectifs et enterrer la gamme X sous Android.
Devant les mauvais résultats de la gamme Surface (dont l'activité chez Microsoft est gérée par Stephen Elop, le « fossoyeur » de Nokia), et face à la restructuration d'envergure à laquelle est confrontée l'entreprise, la famille Surface va t-elle passer à l'as à moyen terme ? La rumeur a rapporté que Nadella avait, au dernier moment, décidé de ne pas donner suite à la déclinaison Mini de la Surface Pro 3, craignant que la tablette ne fasse pas le poids face à la concurrence (notamment l'iPad mini). La perte enregistrée au deuxième trimestre vient d'ailleurs en grande partie des frais de développement et de pré-production de cette déclinaison qui n'a finalement pas vu le jour.
La Surface Pro 3, dont la carrière a débuté à la fin du second trimestre en Amérique du Nord, sera proposée en Europe à partir du 28 août. Il lui faudra réaliser un ou deux très bons trimestres pour convaincre le marché et Satya Nadella de l'intérêt de conserver cette activité.