Pour Blink, Google a décidé de troquer une technologie Microsoft contre une d'Apple. Le moteur de rendu pour Chrome, créé par Google en 2013 sur la base du WebKit mis au point par la Pomme pour Safari, utilisait auparavant Pointer Events, un ensemble de spécifications développé par Microsoft. Celles-ci permettent à un navigateur de réagir aux interactions tactiles. Pointer Events a été conçu en réaction à Touch Events, un développement d'Apple intégré à WebKit et que l'entreprise a refusé de licencier à des tiers. Touch Events devait pourtant faire partie des standards du W3C, mais l'attitude ambivalente de la Pomme envers le consortium et ses membres a poussé Microsoft à proposer une alternative (lire : W3C et iPhone : les intérêts contraires d'Apple).
Apple estimant que sa propriété intellectuelle protégeait Touch Events, elle n'avait pas par conséquent à proposer de licence libre de droit pour que des tiers utilisent ces spécifications. C'est en réaction à cette posture et aux problèmes juridiques soulevés par cette intransigeance que Microsoft a mis au point Pointer Events, des spécifications qui non seulement contournent les brevets d'Apple, mais rajoutent en plus des fonctions supplémentaires, comme la prise en charge des souris et des stylets, en plus des doigts.
Pendant le développement de Pointer Events, le W3C a mis fin aux atermoiements d'Apple en décidant que les brevets de Cupertino protégeant Touch Events étaient finalement hors sujet et qu'aucune licence n'avait à être souscrite par ceux qui souhaitaient utiliser ces spécifications. Mais même après ce jugement, Microsoft, soutenu par Google et Mozilla, ont poursuivi le travail d'implémentation de Pointer Events dans leurs navigateurs.
Malgré les bonnes relations entre les participants à ce projet, Google a donc décidé de repasser avec armes et bagages à Touch Events. Le moteur de recherche avance trois raisons : d'une, des problèmes de performance constatés avec Pointer Events et Blink; de deux, les spécifications de Microsoft empêchent la mise en œuvre de concepts désormais communs comme le fameux tirer pour rafraîchir. Surtout, Google estime que Touch Events domine le monde du web mobile grâce à la popularité de Safari.
Cet argument est pour le moins étonnant provenant de Google, dont la plateforme Android capte près de 85% du marché. De fait, la société de Mountain View dispose là d'un levier exceptionnel pour imposer Pointer Events en lieu et place de Touch Events… mais visiblement, la domination de Safari et des technologies d'Apple dans le monde de la mobilité balaie toute velléité de proposer une alternative.
Même Microsoft, pourtant le premier promoteur de Pointer Events, a rendu les armes : si la version d'Internet Explorer 11 pour Windows 8 intègre bien la propre technologie d'interaction tactile de Redmond, la version pour Windows Phone 8.1 embarque elle Touch Events ! Cela fait partie des compromis qu'a dû consentir l'éditeur pour que cette mouture d'Explorer puisse afficher les sites web conçus pour Safari, des sites optimisés pour une consultation mobile (lire : Explorer se fait passer pour Safari pour afficher les sites web mobiles). De son côté, Mozilla poursuit le travail d'implémentation de Pointer Events.
Quant à Google, l'intégration de Touch Events dans Blink ne devrait pas poser de problèmes techniques insurmontables : puisqu'ils sont intégrées à WebKit (qui est à la base de Blink), ces Events peuvent être utilisés au sein du moteur de rendu web de Chrome. Google devra cependant optimiser Touch Events afin qu'ils prennent en compte d'autres formes d'interaction : après tout, Chrome est utilisé aussi sur des ordinateurs traditionnels (souris et clavier), des ordinateurs tactiles (Chrome OS) et des tablettes Android avec stylet. Toutes choses que permettaient pourtant Pointer Events…
Source : Ars Technica