L’Apple A14 est très dense, mais moins que prévu

Nicolas Furno |

L’Apple A14 est le premier système sur puce gravé à 5 nm, une prouesse technique qui permet d’optimiser les performances et la consommation, tout en réduisant la taille des composants. Cette nouvelle puce est ainsi nettement plus petite que l’ancienne génération : 88 mm² de surface, contre 94,5 pour l’Apple A13. Et malgré cette réduction en taille, elle intègre nettement plus de transistors : 11,8 milliards dans l’A14, contre 8,5 « seulement » pour l’A13.

Malgré ces prouesses, le site spécialisé SemiAnalysis souligne qu’Apple et TSMC sont notablement loin de la densité théorique. Avec une gravure à 5 nm, on devrait pouvoir caser 171,3 millions de transistors (MTs) par mm², mais le SoC d’Apple n’en intègre concrètement « que » 134. Cela reste bien mieux que pour les anciennes générations de puces, gravées à 7 nm et qui tournaient autour de 90 MTs/mm².

Tableau SemiAnalysis.

Toutefois, Apple nous avait habitué à avoir une densité de composants réelle très proche de la densité théorique. L’an dernier, la firme avait même atteint un sommet avec un ratio supérieur à 98 % : la densité réelle de l’Apple A13 était ainsi de 89,87 MTs/mm², à comparer à la valeur théorique de 91,2. L’Apple A14 semble décevant en comparaison, avec un ratio de 78 % seulement entre les deux valeurs.

Cela dit, ce n’est pas un échec pour Apple ou TSMC d’après ce site, qui juge que l’écart est lié à la NAND, la mémoire utilisée notamment pour le cache processeur. Ce composant n’est pas géré directement par les entreprises et sa taille n’a pas diminué cette année. Même si l’Apple A14 est une puce gravée à 5 nm, cela ne veut pas dire que tous ses composants sont identiques et la NAND n’a pas pu être réduite autant que les autres éléments. Sachant qu’on estime qu’elle pèse pour environ 30 % des transistors, c’est elle qui contribue à réduire la densité réelle du SoC selon SemiAnalysis.

Sur cette photo de l’Apple A14, le CPU et le GPU ont été identifiés par ICmasters. Comme on peut le constater, ces deux composants sont loin d’occuper tout l’espace disponible. Il y a beaucoup d’éléments dans un SoC, dont le moteur neuronal qui occupe toujours plus de place chaque année, des puces spécialisées dans les traitements d’image et aussi de la mémoire.

Ce décalage entre la NAND et les autres transistors ne devrait pas disparaître de sitôt selon le site. TSMC comme Samsung travaillent sur de nouvelles solutions pour réduire la taille de la mémoire, notamment en l’empilant en 3D. Le souci, c’est que cette technique coûte encore trop cher pour la généraliser. C’est un problème, sachant que les réductions de coût de production que l’on a observées pendant des années dans le monde du mobile ont commencé à freiner de manière très nette.

D’ailleurs, le coût par transistor n’a pas diminué en passant à une gravure de 5 nm, alors que c’était le cas sur les transitions précédentes. Puisque l’Apple A14 intègre bien plus de transistors que son prédécesseur, cela veut dire que ce système sur puce coûte plus cher à produire pour Apple.

avatar DrStax | 

Intéressant ce genre d'informations 👌

avatar JLG47_old | 

La densité a cette échelle vas se confronter à la quantique et aux effets tunnel, surtout pour la mémoire du fait de la persistance.

avatar TrollMan06 | 

@JLG01

C’est à dire ?

avatar JLG47_old | 

@TrollMan06

Physique quantique. Plus la gravure est fine, plus les isolants sont mince, plus l’effet tunnel devient probable.
A cette échelle, graver est du grand art, et cela explique probablement que la densité ne soit pas au maximum.

avatar TrollMan06 | 

@JLG01

Merci, que provoque l’effet « tunnel » ?

Ça a un rapport avec les électrons ?

avatar Marius_K | 

@TrollMan06
Voici l'explication :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_tunnel

Personnellement je n'y comprends rien...

avatar Lonesome Boy | 

@weagt

C’est normal de ne rien comprendre à la physique quantique, car ce sont des lois de la physique différentes de celles de « notre » monde à nous. Par exemple, alors que dans « notre » monde à nous un objet est à un seul endroit à la fois, dans le monde de la physique quantique, une particule élémentaire est à plusieurs endroits à la fois, avec des probabilités différentes selon l’endroit.

L’image qu’on donne en général pour illustrer l’effet tunnel est celui d’une particule qui « traverse » un mur, un peu comme si elle était « téléportée » derrière le mur. En fait, il s’agit de la probabilité qu’elle soit dans la position « derrière le mur ». Avec un mur « épais », c’est très peu probable. Mais plus le mur est fin, plus la probabilité augmente.

avatar TrollMan06 | 

@Lonesome Boy

Donc plus les transistors sont petits plus on peut dire que le « mur » est fin ?

avatar Lonesome Boy | 

@TrollMan06

Je n’ai pas la prétention de comprendre ces phénomènes, mais oui c’est un peu ça. Les transistors sont comme des portes qui laissent passer les électrons quand elles sont ouvertes, et ne les laissent pas passer quand elles sont fermées. Si la porte est trop fine et que les électrons peuvent « passer à travers », plus rien n’est fiable.

avatar TrollMan06 | 

@Lonesome Boy

Très intéressant, merci 😊

avatar TrollMan06 | 

@weagt

J’ai strictement rien compris aussi :D

avatar IceWizard | 

@TrollMan06

"J’ai strictement rien compris aussi :D"

C'est parce que l'explication classique de la nature des atomes est fausse, ou plutôt trop simplifiée. A l'école, on compare la structure atomique à celle d'une étoile : un noyau central et des électrons tournant autour, comme des planètes. En fait, les électrons sont comme des champs d'énergie présents autour du noyau. L'analogie "spatiale" la plus proche serait les anneaux de Saturne, ou le champ magnétique terrestre qui est partout et nul part en particulier.

En d'autres termes, un électron se déplaçant dans un circuit électronique n'est pas un objet matériel, mais un champ d'énergie. Ce champ peut interagir avec d'autres champs d'énergies quantiques (d'autres particules) d'une manière probabiliste, c'est-à-dire que les mêmes causes ne produisent pas forcément les mêmes effets.

La probabilité que deux champs quantiques interagissent dépend de nombreux paramètres, y compris de leurs éloignements. Quand on pense qu'un électron se trouve à un endroit donné, il est très probable qu'il y soit, mais il est peut-être un peu plus loin. Et il a une minuscule probabilité qu'il soit vraiment plus loin que prévu, par exemple en train de se balader dans un composant électronique voisin où il n'a rien à faire .. C'est comme si la particule était passé par un tunnel "magique" (ou un téléporteur de star treck), d'où le nom d'effet tunnel.

Très bizarre tout ça. Heureusement les lois de la mécanique quantique ne sont valables qu'à très courte distance. Avec une distance de gravure raisonnable, respectant une distance de "distanciation sociale" entre les composants les effets quantiques disparaissent, et tout se passe "normalement" selon les lois de la physique "classique".

Ça fait 40 ans que les constructeurs de puces savent qu'un jour, ils atteindront le seuil "magique" où les électrons commenceront à faire des choses bizarres (et aléatoires) à cause de la mécanique quantique. On y est maintenant ..

avatar Tomtomrider | 

@IceWizard

Pas mal résumé bravo !
J’ai bien aimé la distanciation sociale lol.

Sinon pour ceux que la quantique intéresse il y a les conférences de Julien Bobroff sur YouTube

https://youtu.be/cNoiw6jMCz4

avatar JLG47_old | 

@TrollMan06

Bonjour, difficile de vulgariser la quantique ici-même car je ne suis pas physicien en quantique.
L’effet tunnel est une bizarrerie de la fonction d’onde (je n’explique plus!) qui fait que les particules (électron, photon..)peuvent passer une barrière isolante très mince sans aucune destruction ( de vrai passe muraille) de manière aléatoire.
Le risque est donc l’apparition de buts, et de plantâtes aléatoire alors que tout est normal.
C’est une des limites de la mignaturation à l’approche des échelles particulaires.
Julien Bodroff vient de produire un excellent ouvrage à ce sujet.

avatar koko256 | 

@TrollMan06

L'effet tunnel c'est juste les électrons qui traversent les murs (les physiciens disent barrière de potentiel). Il y en a sûrement déjà qui peuvent provoquer des erreurs de calcul. Les fondeurs doivent mettre en place de la tolérance aux erreurs jusqu'au moment où ce ne sera plus possible si les erreurs sont trop importantes (la détection d'erreur est elle même susceptible aux erreurs). Après il peuvent faire de l'hybride entre différentes finesses de gravure (comme déjà entre la mémoire et les cœurs de calcul) mais cela reste de la R&D. Ce qui est sûr, c'est que les pistes ne peut pas être aussi fine que la distance entre deux atomes.

avatar marc_os | 

L'effet tunnel peut d'ailleurs être utilisé volontairement dans les transistors à effet tunnel, comme leur nom l'indique. En anglais: Tunnel field-effect transistor (TFET).

Rappel: Un transistor c'est un interrupteur commandé par un signal électrique. Comme dans un interrupteur classique on a deux connecteurs principaux, et le courant passera ou pas entre eux selon l'état de l'interrupteur, ouvert ou fermé (en fonctionnement binaire). Et au lieu d'une action manuelle pour changer l'état de l'interrupteur, c'est un troisième connecteur qui est utilisé auquel on applique une très faible tension pour "fermer" l'interrupteur et laisser passer le courant entre les connecteurs principaux. Sinon, il est "ouvert", et le courant ne passe pas.
Les TFET permettent des vitesses de basculement ouvert/fermé plus rapides, d'où leur intérêt.
Remarque : L'autre grand domaine d'utilisation des transistors, c'est (historiquement), dans le « transistor », comme on appelait les postes radio dans les années 60. Les transistors utilisés ne fonctionnent pas en tout ou rien, ouvert / fermé binaire, mais de manière "continue" : L'interrupteur agit plutôt comme un robinet qu'on peut laisser plus ou moins ouvert pour laisser passer plus ou moins de courant. Et si ce courant est alternatif et correspond à un signal sonore envoyé à un haut parleur, ça permet d'amplifier plus ou moins le signal et d'avoir au final un son plus ou moins fort...

avatar bureaun | 

Le M de MTs veut dire Millions de transistors, pas micro...

avatar Nicolas Furno | 

@bureaun

Ah oui, sinon ça ferait vraiment peu. 🤦‍♂️

Merci je vais corriger.

avatar man0 | 

@bureaun

Tu peux depuis l’article dire la faute à la rédaction directement en sélectionnant le texte et en « signalant une faute »

avatar bureaun | 

@man0

Merci pour l’astuce... je ne connaissais pas la fonctionnalité 👍🏻

avatar man0 | 

@bureaun

De rien ! Bonne journée

avatar marc_os | 

@ man0
Cette fonction n'existe pas sur le site web ou bien elle est très bien cachée.

avatar totoguile | 

Interessant de constater que le processeur est "masqué" : il y a une grille qui empêche de voir correctement la structure. C'est à ma connaissance la première fois chez Apple.

avatar fousfous | 

C'est peut-être une explication sur pourquoi même en changeant de procédé Apple n'a pas réussi à gagner beaucoup de performances. La mémoire qui est toujours LPDDR4 d'ailleurs.

avatar MachuPicchu | 

Est ce que ça veut dire qu'on arrive aux limites du possible en terme de gravures ?

avatar JLG47_old | 

@MachuPicchu

Probablement pas, mais il faudra jongler d’astuces.
D’autre matériaux, d’autres techniques.
Mais on se rapproche des limites de la gravure miniaturisée actuelle.
Et d’autres solution logicielles aussi.
Le monde ne s’arrête pas ici.

avatar IceWizard | 

@MachuPicchu

« Est ce que ça veut dire qu'on arrive aux limites du possible en terme de gravures ? »

Probablement oui. Mais une autre électronique pointe le bout du nez, basée sur des nano-tubes de carbone. Avec des performances théoriques carrément hallucinantes. Au stade du laboratoire, on arrive à créer des transistors composés de seulement quelques dizaines d’atomes (un électron encapsulé dans un nanotube de carbone).

Il y a aussi l’électronique photonique remplaçant les électrons par des photons. Sans même parler des ordinateurs quantiques..

Il y aura certainement une stagnation des performances brutes pendant quelques temps, jusqu’à ce qu’une de ces technologies soit prête pour sortir des labos. Mais les architectures des processeurs vont continuer à évoluer.

avatar Espcustom | 

Rien à voir avec la physique quantique...

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